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verrons que c'est à charge de revanche et que le mysticisme de Carlyle le fait plus allemand que Kant.

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Pour Carlyle qui ne songe pas à intervenir dans la dispute des systèmes, l'idéalisme c'est simplement l'esprit opposé à la matière. En un mot il y a trois termes pour Kant et son idéalisme s'interpose entre les deux combattants; pour Carlyle il n'y a que deux termes, l'idéalisme qui s'oppose au matérialisme. Même différence dans les Morales: la célèbre formule Kantienne est toute formelle, ainsi qu'il convient à un théoricien. Peu importe à Carlyle les maximes, il n'est soucieux que de pratique et à ceux qui cherchent dans les nuages une Règle, il donne celle-ci : << Accomplissez d'abord le devoir le plus proche, si petit soit-il, celui-là rempli vous en verrez aussitôt surgir un autre» ').

De cette différence de position entr'eux s'ensuit une autre: c'est que Carlyle fait une place à ce qui, dans la vie réelle, en occupe une importante, au «Gemüth», à l'amour et c'est par

là encore qu'il rejoindra Fichte et les Mystiques, c'est en cela qu'il sera plus allemand que Kant lui-même.

Le chapitre intitulé «Romance» (cf. Sartor) contient des lignes admirables sur l'amour, celles-ci entr'autres dont on chercherait vainement l'équivalent chez Kant:

<«<Lorsque dix hommes sont unis par l'amour, ils sont capables de faire des choses où dix mille hommes, pris isolément, eussent échoué.»

C'est pour avoir compris cela, pour avoir senti le courant de chaude sympathie qui, à travers l'humanité, relie les hommes les uns aux autres, que Carlyle s'est trouvé amené à traiter éloquemment des questions sociales, à déplorer que le temps fût passé (cf. Passé et Présent) où l'esclave Gurth était attaché à son maître Cedric par un lien autre que l'argent. Avec Carlyle la personnalité vivante et harmonieuse revendique ses droits.

II.

Déjà par cette place rendue au sentiment, au Gemüth, à quelque chose de tout allemand, Carlyle se rapproche de Fichte. 7) cf. Sartor Resartus (l'éternel oui).

Il le connaît mieux qu'il ne connaît Kant, les passages où il le mentionne sont très nombreux, les points de contact entr'euxmultiples. Dans l'essai si remarquable sur Novalis, Carlyle nous parle de l'influence qu'eut sur ce dernier la «Wissenschaftslehre», qui semble avoir été la base de toutes ses spéculations philosophiques postérieures. >> Je crois, malgré Mr Hensel, que cela peut s'appliquer aussi à l'Essayiste et en tous cas il est de ceux qui, comme Richter, «ont du moins le mérite d'avoir compris Fichte».

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Le rapprochement s'impose non seulement sur quantité de points de détail (voir, par exemple, l'allusion à l'opposition dans le Moi infini du moi fini au non moi fini; et dans Sartor, le Moi qui se veut et se pose libre), mais le livre tout entier de Sartor Resartus procède directement de l'«Anweisung zum Seligen Leben.» De même, les grandes idées sociales se retrouvent presque identiques chez Fichte et chez Carlyle, depuis la conception de la liberté (limitation des volontés, on ne saurait être libre seul) l'apologie des forts, des Héros «Macht ist Recht»> jusqu'à cette idée directrice que la Réforme du corps social doit être une réforme individuelle, l'effort vers l'amélioration du Moi.

Bien plus nettement donc que chez Kant, nous sommes partout, chez Carlyle, en présence d'une philosophie de la Volonté. Et la déviation qu'il fait subir au Kantisme, dans la direction idéaliste, rapproche encore Carlyle de Fichte: l'opposition entre l'entendement (Verstand) et la Raison (Vernunft) correspondra chez Carlyle à celle entre les «temps croyants» et les «temps incroyants», notre âge d'incrédulité que flétrit si âprement Carlyle, c'est ce que Fichte appelle une époque de rébellion de l'entendement contre la Raison). C'est la période de «vollendete Sündhaftigkeit.>>

Et Carlyle était mieux qu'un autre capable de comprendre Fichte, car il était, lui aussi, «de ceux qui ne trouvent pas que

6) Essay on Novalis, p. 205.

9) Carlyle se rapproche en cela de Jacobi, pour qui la Raison opposée à l'Entendement, c'est le Sentiment, la Foi.

la méthode syllogistique «soit le meilleur instrument pour parvenir

à la vérité» 10).

Carlyle, en effet, cet apôtre de la vie pratique, a sa place marquée parmi les grands mystiques, dans cette lignée qui va de Maître Eckardt à ce Novalis qu'il a si merveilleusement étudié, en passant par Jacob Böhme, auquel le dernier se rattache directement.

Carlyle a écrit, sur le Mysticisme, des lignes étonnantes (cf. Essais sur Novalis, sur la littérature allemande). «Il y a, dit-il, dans l'esprit allemand une tendance au mysticisme, mais elle éxiste aussi dans tous les esprits de même famille, elle est inséparable, d'ailleurs, de l'excellence que nous admirons en eux.>>

C'est par ce mysticisme, nous l'avons dit, que Carlyle se rattache à Fichte plutôt qu'à Kant et c'est par là qu'il est plus allemand que celui-ci, car le mysticisme lui est si naturel qu'il ne le remarque pas chez les autres! Non seulement il déclare que, parmi les philosophes du XVIIIe siècle, nul moins que Kant ne mérite l'épithète de mystique, mais il trouve que Fichte et Schelling «sont des hommes d'un jugement froid» 11)!

«Ce qui est surtout étonnant c'est qu'on puisse parler du mysticisme de Fichte, cet esprit froid, adamantin, se dressant pareil à un Caton l'Ancien parmi des hommes dégénérés. . . . Cet homme qui eut pu enseigner dans la Stoa et discourir de la vertu dans les bosquets de l'Académie!»>

Que Carlyle se rattache à Fichte plus étroitement qu'à Kant, cela ne doit pas nous surprendre si nous songeons que notre auteur est un littérateur et si nous nous rappelons l'influence immense de Fichte sur les Romantiques 1). Car, selon Fichte, «une Idée divine pénètre l'Univers visible, la saisir est le but de tout effort spirituel et les littérateurs sont les interprètes désignés de cette Idée divine» 13). Carlyle, comme ses confrères allemands, ces mystiques au nombre desquels on est toujours tenté de le compter,

10) Essay on Novalis, p. 200.

11) Essay on the State of German Literature, p. 65.

12) cf. Haym, Die romantische Schule".

13)

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Ueber das Wesen des Gelehrten".

a médité les leçons de Fichte et le bréviaire de son métier de littérateur, c'est le recueil des Conférences du philosophe: «Ueber das Wesen des Gelehrten».

Carlyle dans ses rapports avec le Kantisme est donc resté avant tout littérateur: comme tel il avait le droit de ne pas connaître le système à fond et de se rattacher plus directement à Fichte qu'à Kant lui-même.

Quant à son prétendu Kantisme, nous avons vu quelles conditions pouvaient expliquer a priori l'analogie des pensées et la commune direction des deux philosophies. Elles n'en restent pas moins aussi opposées que les deux personnes de Carlyle, le «Pascal Allemand» ainsi qu'il a lui-même appelé Novalis, et de Kant

qu'on a souvent rapproché de Socrate. Ce qui a agi sur le tempérament très prédisposé de Carlyle, c'est l'âme allemande, c'est l'atmosphère de la littérature allemande, de la jeune école romantique. Rappelons - nous le mot de Goethe: «Carlyle est presque plus chez lui que nous-mêmes dans notre littérature.»>

Mais le grand mérite de Carlyle est d'avoir parfaitement vu que le «Criticisme était le plus important évènement intellectuel du siècle; qu'aucun écrivain, qu'il l'ait connu ou non, n'avait échappé à son influence annoblissante et que des hommes comme Goethe et Schiller, dont l'empreinte resterait décisive sur la littérature allemande, devaient d'avoir été tels à la philosophie Kantienne» 1).

14 State of German Literature, Essays I.

III.

Scholastic and Mediaeval Philosophy

by

Dr. James Lindsay in Kilmarnock (Schottland).

The threefold cord of speculation which runs through the Scholastic Age is of far deeper import and more lasting interest than philosophical students have generally understood, and may therefore bear some consideration. Some explanation if not

justification for this fact is to be found in the scant attention accorded to scholastic philosophy in earlier manuals or histories of philosophy. This defect is gradually becoming remedied, so that now, as not for two centuries at least, is realised the importance of studying the scholastic philosophy, with its abiding effects for good and for evil. The modern contempt for scholasticism has been an affectation inherited from the Renaissance. The philosophy of scholasticism should be understood as really not the same thing as mediaeval philosophy. The ruling mind for mediaeval philosophy is Augustine, whose Christian philosophy catches up the seeds of thought sown by Origen and Plotinus. The new line of development struck by Augustine started from his stress on the principle of inwardness or inner experience the Innerlichkeit of the Germans. The determinative thing for mediaeval philosophy was the welcome it accorded to Aristotelianism, whose dialectics were its life-blood. Scholastic philosophy may be taken

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