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́et demie qui séparent Toujourra de Tiannou, première ville de Choa. Il avait quitté le bord de la mer le 3 août 1839; il était le 29 septembre à Tiannou. La caravane n'avait pas marché constamment; elle avait plusieurs fois fait des haltes plus ou moins prolongées. La température moyenne de l'atmosphère s'était élevée à 33o, 27 du thermomètre de Réaumur, pendant le séjour de notre voyageur à Toujourra; quelquefois elle atteignit jusqu'à 48 degrès, ce qui était causé par la facilité avec laquelle la chaleur pénétrait dans la cabane où le thermomètre était suspendu, sans cependant être jamais frappé par les rayons du soleil. D'ailleurs, Toujourra est adossé à une montagne aride qui une fois, échauffée, embrase l'air qui l'entoure.

Ce fut avec un habitant de Toujourra pour guide, et un Danakile bédouin pour escorte, que M. Rochet s'aventura dans une contrée dont à cette époque aucun Européen n'avait publié de relation. Le 3 août, il se mit en route; sa petite caravane s'accrut graduellement. Il fut bien accueilli des ras qu'il rencontra; la nouvelle de son arrivée, qui se répandait dans le pays à mesure qu'il avançait, lui attirait de nombreuses visites. La blancheur de sa peau piquait surtout la curiosité des Bédouins : ils la regardaient comme un phénomène miraculeux; ils le considéraient d'un air ébahi et lui adressaient une quantité de questions naïves. M. Rochet s'était, en homme prudent coiffé d'un chapeau à très-larges bords pour protéger son visage contre la force des

rayons du soleil; les Bédouins prenaient ce chapeau d'une vaste dimension pour un bouclier, mais ils manifestaient leur étonnement de ce qu'il portait son arme défensive sur la tête; il leur fit comprendre qu'il le plaçait ainsi pour se garantir du soleil lorsqu'il n'avait pas d'autre attaque à craindre, et ajouta qu'au moment du combat, il le passait comme eux au bras, pour couvrir sa poitrine. Ce conte fort innocent valait mieux que les explications les plus claires.

la

Au milieu du terrain volcanique dont se compose la plus grande partie du pays compris entre Toujourra et Tiannou, les sources thermales sont fréquentes; l'eau de quelques-unes bout à grands jets : elle est parfois si chaude, que les Bédouins y cuisent leurs aliments au bain-marie en plaçant dans l'eau le vase contenant les choses qu'ils veulent préparer. L'efficacité de ces sources pour cure de diverses maladies est connue des peuples de ce désert. Dans leur ignorance, ils étaient très-effrayés des feux follets qui couvraient une partie de la vallée où la caravane campa un soir. M. Rochet parvint aisément à les rassurer en leur faisant connaître la cause de ce phénomène : cette fois il les satisfit en leur disant la vérité.

Un jour la caravane descendit dans une plaine immense qui offrit aux yeux de M. Rochet le spectacle d'une végétation magnifique : « Spectacle bien nou» veau, observe-t-il, pour moi, et bien inattendu >> au milieu de la contrée stérile où j'errais depuis

Octobre 1841. TOME IV.

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» plus de cinquante jours; il me semblait avoir de» vant moi les magnifiques prairies de la Lombar» die. Cette plaine s'étend sur une circonférence » d'au moins 60 à 80 lieues; son sol argilo-siliceux » peut produire toute espèce de végétaux ; l'indigo >> y croît spontanément, et y prend un très-grand développement; le caffer, le cotonnier, la canne à » sucre y pousseraient aussi à merveille; mais telles » sont là l'indolence, l'apathie et la négligence des » Bédouins, que pas un pouce de cette admirable » campagne n'est en culture. »

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Des éléphants de grande taille paissaient tranquillement dans cette belle plaine, ils s'enfuirent à l'approche de la caravane. Quiconque voit pour la première fois ces créatures colossales est très-étonné de la célérité de leur course; elle égale celle d'un cheval au galop. D'autres animaux viennent chercher la pâture dans cette fertile plaine de Moullon: elle tire ce nom d'une espèce de hameau où la caravane passa la nuit; on y trouve de l'eau excellente; on pourrait l'employer à l'irrigation des terres au moyen de sakies ou roues à auge, qui puisent l'eau dans les puits, d'où ils la versent sur les terres. Une grande partie de la surface de l'Afrique est occupée par des déserts auxquels il paraît que tous les efforts de l'homme ne pourront jamais donner la fécondité; mais il y existe probablement plus d'un canton tel que celui de Moullon, qui n'attend que le travail pour fournir de faciles moyens de subsistance. Ce serait le premier pas vers la civilisation.

L'Aouache, rivière peu connue des géographes, fut la première que rencontra M. Rochet. Dans ces pays-là on n'a pas recours à un pont pour passer un grand cours d'eau. Des radeaux furent construits, on y plaça les marchandises que l'on dirigeait en nageant. Quand cette manœuvre eut été effectuée, il fallut conduire les femmes à la rive opposée; voici comment on s'y prit on leur attacha sous chaque aisselle une outre enflée; on noua autour de leur ceinture une corde qui fut serrée autour des reins d'un homme: elles furent ainsi traînées à la remorque. Ce trajet, qui offrait une scène pittoresque et animée sous le beau ciel des contrées intertropicales, ne s'acheva pas sans peine ni danger; mais la tâche fut remplie gaiement et sans le moindre accident. M. Rọchet, à qui son talent d'excellent nageur avait valų l'agréable corvée de passer dix femmes, c'est-à-dire de traverser plus de vingt fois l'Aouache, se trouva extrêmement las à la fin d'une journée employée à un travail aussi rude. On est quelquefois très-mal récompensé des meilleures actions: nul doute que M. Rochet ne reçut des remerciements sincères de toutes les Danakiles qu'il avait transportées à la rive gauche de l'Aouache; mais des accès de fièvre qu'il ressentit le lendemain furent les suites de ses fatigues.

Une petite pièce de toile de coton blanche, serrée autour du corps par une courroie à laquelle est attaché un couteau-poignard; un manteau d'une étoffe entièrement semblable à celle de la tunique, composent tout l'habillement des Danakiles. Un bouclier

en cuir de buffle, le couteau - poignard et la lance sont leurs armes défensives et offensives, jamais ils ne s'en séparent. Ils se rasent la barbe, ont toujours la tête découverte, et sont chaussés de sandales qu'ils font eux-mêmes.

En général, les Bédouins du pays d'Adel ne forment pas, comme ceux d'Egypte, des camps où ils s'abritent sous des tentes; ce luxe leur est inconnu. Lorsqu'ils veulent se mettre à couvert du soleil ou de la pluie, ils choisissent ordinairement pour retraite une crcvasse de rocher ou une saillie de terrain; ils élèvent des pierres tout autour en manière de berceau, et s'étendent sous cette voûte informe et frêle qui n'est ni une hutte ni une tanière, et que l'on ne supposerait jamais destinée à être le logement d'un homme. Ces chétives demeures ne sont guère supérieures à celles des sauvages de l'Australie; ne peut-on pas y reconnaître les premiers rudiments des habitations de ces peuples que les anciens ont désignés par le nom de Troglodytes, qui vivaient dans l'Afrique occidentale?

«En général, dit M. Rochet, l'intelligence des » Danakiles est médiocre ; ils sont gais, vifs, alertes; » ils manient la lance avec dextérité; la simplicité » de leurs besoins et le peu de ressources que leur >> offre leur pays rendent inutile et impossible chez » eux la pratique des arts manuels. Leurs lances, >> leurs couteaux-poignards, leur sont apportés du » royaume de Choa, d'Aoussa, de Toujourra et de » Barbara. Leur seule occupation est de soigner

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