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Cespedes. Les Indiens cherchèrent en vain à se défendre en faisant pleuvoir une grêle de pierres sur les assaillants; ceux-ci se mirent à l'abri en formant par la réunion de leurs boucliers une espèce de tortue; et après avoir forcé les retranchements des ennemis, ils en firent un massacre effroyable. C'est une chose remarquable dans l'histoire de la conquête de l'Amérique, que, presque partout, les naturels ne songèrent à résister que quand les Espagnols furent maîtres de leur pays, et qu'alors ils combattirent, mais trop tard, avec la rage du désespoir. Dans cette occasion, la plupart de ceux qui défendaient les forteresses aimèrent mieux chercher la mort en se précipitant du haut des rochers que de retomber sous le joug de leurs tyrans.

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Fernand Perez de Quesada fut moins heureux dans une expédition qu'il conduisit en personne contre les Panches leur chef Vuytama, instruit par l'expérience, évita tout engagement, et se retrancha dans des forêts impénétrables, après avoir détruit tous les vivres qu'il ne pouvait emporter; de sorte que les agresseurs, épuisés de faim et de fatigue, furent obligés de retourner sur leurs pas sans avoir pu le forcer dans sa retraite (1).

LV.

Notre intention n'étant que de tracer l'histoire de la nation muyzca jusqu'à son entière destruction,

(1) Piedrahita, part. I, liv. vin, ch. 4,

:

nous n'entrerons pas ici dans le détail de toutes les querelles qui s'élevèrent entre les conquérants, et qui furent souvent sur le point d'éclater en guerre civile. Les ordres qui venaient d'Espagne étaient rédigés avec si peu de connaissance du pays, qu'il était facile à chacun de les expliquer à son avantage. Les Espagnols n'étaient d'accord que sur un seul point, savoir de vexer à l'envi les indigènes et de leur extorquer tout ce qu'ils possédaient, afin d'aller acheter en Espagne leur pardon et de nouvelles faveurs. Malgré les lois d'après lesquelles les Indiens qui avaient reconnu la suzeraineté du roi d'Espagne devaient être regardés comme libres et égaux à ses autres sujets, ils les traitaient en esclaves, sans respect ni pour le sexe ni pour le rang. Les chefs indiens que leurs sujets avaient adorés presque comme des dieux, étaient soumis aux insultes et aux mauvais traitements du dernier des soldats, qui les battait et leur crachait au visage lorsqu'ils refusaient de le satisfaire, fût-ce même par impuissance. Est-il donc étonnant que l'on vît éclater chaque jour de nouvelles révoltes qui coûtèrent successivement la vie à presque tous les usaques et autres chefs de la nation muyzca ?

LVI,

Le roi de Tunja était presque le seul qui conservât encore une ombre d'autorité. Le vieux Quimiunchate cha était mort peu de jours après être tombé entre les mains des Espagnols, qui avaient fait pro

clamer à sa place son neveu Aquiminçaque ; celuici, ayant résolu d'épouser la fille de l'usaque de Gameza, convoqua pour assister à cette cérémonie le peu de seigneurs muyzcas qui avaient survécu aux désastres de leur nation. Les Espagnols établis dans cette ville pensèrent, peut-être avec quelque raison, que cette réunion n'était qu'un prétexte, et que le roi de Tunja voulait faire une tentative pour recouvrer ses États. Quand il s'agissait d'un Indien, le soupçon tenait lieu de preuves. Les Espagnols s'arment secrètement, cernent la demeure d'Aquiminçaque, y pénètrent au milieu de la nuit, et se saisissent de sa personne, ainsi que de celle des usaques de Toca, de Motabita, de Sameque, de Turmeque, de Boyaca et de Suta qui se trouvaient avec lui. Le lendemain, sans même les avoir interrogés, on leur trancha la tête au milieu de la place (1). Ce dernier coup anéantit pour jamais la puissance des Muyzcas. Une tentative de révolte de la part des usaques d'Ocabita et de Lupachoque fut bientôt réprimée, et depuis cette époque, c'est à peine si le nom de cette nation paraît de loin à loin dans les historiens.

(1) Piedrahita, part. I, liv. 1x, ch. 1.

T.-C.

RELATIONS

DE KHIVA.

Nous avons offert aux lecteurs des Nouvelles Annales des Voyages une notice du khanat de Khiva, extraite des relations d'officiers russes qui avaient visité ce pays, et quelques-uns de ceux qui l'avoisinent (1). Aujourd'hui nous leur présentons des relations de la Khivie écrites par des Russes qu'un malheureux sort avait forcés d'y séjourner pendant plusieurs années; ces récits ont été recueillis par M. Gens, général-major des armées russes, et président de la commission des frontières d'Asie à Orenbourg. M. Gr. de Helmersen a coordonné les pièces du recueil de M. Gens, et les a enrichies de notes; il observe, dans la préface de son livre (2),

(1) Cahier de février 1840, ou tome I, p. 145, de la 4e série. (2) Nachrichten uber Chiwa, Buchara, Chokand und den Nordwestlichen Theil des Chinesischen Staates. In-8. S. Petersburg. 1839.

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que les pays limitrophes de la Russie asiatique au sud ont encore été si peu explorés, que les relations qui les concernent méritent l'attention du public, surtout quand elles ont pour auteurs des témoins oculaires. Il donne celle d'un de ses compatriotes qui avait passé plusieurs années dans le khanat de Khiva: quoique sa date remonte un peu haut, nous n'avons pas hésité à la publier! Car les écrits de ce genre sont, par leur rareté, extrêmement précieux.

Récit de Fedor Grouchine, bourgeois de SYSRANDI, VILLE DU GOUVERNEMENT DE SIMBIRSK, LEQUEL REVINT EN 1829 DE KHIVA A ORENBourg.

« Je passai à Orenbourg, dit M. Helmersen, l'hiver de 1828 à 1829. Un jour on y vit arriver deux Russes, c'étaient Fédor Grouchine et Tikhan Rêsanoff; ils avaient, ainsi que plusieurs autres avant eux, réussi à s'échapper de Khiva, où ils étaient esclaves. Grouchine était alors âgé de trente- six ans. Des marchands khiviens venus pour leurs affaires à Orenbourg, pendant l'été de 1829, reconnurent Grouchine; ils l'avaient aperçu à la cour du khan, où il exerçait les fonctions de portier et jouissait d'une grande considération. »>

En 1819, peu de temps après la fête de Pâques, Grouchine, accompagné de Dmitri Afanassieff, paysan, et d'un jeune garçon, s'embarqua sur un bateau de pêche qui lui appartenait, et partit d'Astrakhan pour la côte orientale de la mer Caspienne,

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