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J'ajoute à ce récit intéressant, dit M. Helmersen, une notice succincte, extraite de la relation des aventures remarquables de Jacques Sinovieff. Ce paysan russe fut également fait prisonnier par les Turcomans, sur la mer Caspienne, et vendu à Khiva. Après beaucoup de tentatives sans succès, il réussit enfin, avec les plus grands efforts et au prix de périls de tous les genres, à atteindre Boukhara. Le khan le mit en liberté avec deux autres esclaves russes, et les envoya à Orenbourg avec l'ambassade qui, vers la fin de 1838, partit pour Saint-Pétersbourg. »

Voici un renseignement intéressant extrait du récit de Sinovieff :

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Quand celui-ci, après s'être enfui de Khiva, fut heureusement arrivé à Ourghenj, il fut obligé d'en partir au plus tôt, de crainte qu'on ne le prît pour un esclave fugitif. Il arriva la nuit sur la rive gauche de l'Amou-Déria, qui, d'après son estimation a dans cet endroit une largeur de plus de deux verst; il le traversa à la nage, et fut porté par le courant à vingt verst plus bas sur la rive droite. Des dangers imminents l'obligèrent de passer encore deux fois le fleuve à la nage. A la fin, il atteignit la route qui mène au fort de Karakouli, appartenant à la Boukharie; il fut accueilli par des Arabes qui font paître là leurs troupeaux, et sont sujets du khan de Boukhara; ils forment une petite tribu, venue dans cette contrée depuis un temps iminémorial; isolés du reste de leur nation, dont ils par

lent la langue, ils se donnent à eux-mêmes le nom de Harabi: leur physionomie a un caractère particulier, qui n'est ni persan, ni boukhar, ni khivien, ni kirghiz. Ces Arabes sont très-connus pour leurs moutons noirs, et fournissent au commerce les belles peaux connues sous le nom de toisons de Boukharie.

Description du khanat de Khiva.

Parmi les relations de prisonniers russes échappés de la Khivie qui ont ajouté aux notions dont on était redevable à M. de Mouravieff, on doit distinguer celle de Kovyrsine, bourgeois d'Astrakhan. Il avait été pris par les Turcomans, pendant qu'il pêchait dans la mer Caspienne, et vendu à Khiva. Dans le commencement il partagea le sort commun de tous les esclaves et fut employé à des travaux manuels; ensuite son intelligence le fit parvenir à un emploi honorable qui l'obligea, pendant plusieurs années de suite, d'accompagner le percepteur des impôts quand il parcourait le khanat pour les faire rentrer. Kovyrsine acquit par là une connaissance trèsexacte de ce petit pays; ce qui lui fut d'autant plus aisé qu'il était doué d'une mémoire excellente. Malgré la considération dont il jouissait en Khivie, Kovyrsine soupirait après le moment où il pourrait revoir sa patrie. Il réussit à s'enfuir de Khiva en 1826, et arriva heureusement à Orenbourg. « Ses notices détaillées sur Khiva, dit M. Helmersen, me furent communiquées par M. le général Gens. »

La partie du khanat de Khiva qui est cultivée et la plus peuplée peut être considérée comme une île bornée au sud et à l'ouest par un désert de sable, au nord par le lac d'Aral, à l'est par l'Amou-Déria ou Sihoun. La longueur de cet espace, de Pêtniêk à Koungrat est de 120 verst; sa largeur, d'Ourghendj à Khiva, de 40. Le sol, uni partout, est une argile sablonneuse, et celui du lit de l'Amou, l'argile pure.

que

Ce n'est que sur les limites à l'est et à l'ouest l'on aperçoit des dunes assez considérables, et le long du dernier côté une suite de petits lacs liés entre eux par des rigoles, contenant de bonne eau, et n'atteignant que rarement une longueur de 3500 pieds. La rive orientale ou droite de l'Amou est bordée de hautes buttes rocailleuses. Là, tout près du fleuve, vis-à-vis de la ville de Kiptchak, est situé le coteau où, suivant diverses relations, se trouve une célèbre mine d'or (1); mais on n'aperçoit pas le corps de garde que des récits erronés se sont plu à y placer, et les Khiviens eux-mêmes parais

(1) Meyendorff (Voyage d'Orenbourg à Boukhara, p. 72) et Ehrmann (Beiträge zur Länder-und Staaten-kunde der Tartarei. Essai sur la géographie physique et politique de la Tartarie. Weimar, 1804, p. 58) nomment ce mont Vaïsly Kara ou Vasilkara, et disent que l'on trouve sur son sommet de profondes excavations d'où l'on tirait autrefois beaucoup d'or et d'argent. Mais depuis le temps de Békitch, il est défendu, sous peine de mort, d'y travailler et de s'en approcher. On reconnaît aisément qu'il est ici question du malheureux prince Bekevitch, qui fut envoyé en Khivie par Pierre le Grand; on crut dans ce pays qu'il y venait avec sa troupe pour s'emparer des prétendues mines d'or.

sent intimement convaincus que ce rocher ne renferme pas de l'or.

Le long de l'Amou croissent des broussailles assez basses : elles deviendraient peut-être plus considérables, si on ne les coupait pas tous les ans. On y remarque un rosier dont le fruit est rond, et le touranja, arbrisseau qui a quinze pieds de haut, acquiert la grosseur d'un homme, est très-branchu, et a les feuilles rondes, un bois dur et un aspect singulier. Dans les autres endroits, on trouve le saxaoul, et dans le voisinage de Gourlên, vers la partie inférieure de l'Amou, des bocages très-touffus où il y a aussi plusieurs de ces derniers arbres.

En été, la chaleur est très-forte, et cependant plus supportable qu'en Boukharie, parce que l'on est suffisamment pourvu d'eau. Les vents sont impétueux et les pluies rares, ce qui plaît beaucoup aux habitants, parce qu'elles détruisent leurs habitations. Les gelécs commencent au mois d'octobre, et sont quelquefois si fortes, que la glace couvre alors les eaux ; elle ne prend celles de l'Amou que dans les premiers jours de janvier : et cependant on dit qu'elle est quelquefois épaisse de douze verchoks. La neige n'a jamais plus de cinq pouces d'épaisseur, et reste sur la terre quatre jours au plus. Elle rend parfois les chemins glissants, ce qui empêche les chameaux d'y marcher; on voyage donc en charrette. L'air est sain, mais les fièvres sont communes en automne.

L'Amou, qui fournit de l'eau excellente à toute la Khivie, est profond, large et d'abord rapide; mais gra

duellement sa vitesse diminue à un tel point, qu'au dessous de Koungrat, on a de la peine à reconnaître son courant. A 150 verst au-dessus de Pêtniêk, son cours est interrompu par des cataractes, où, quand les eaux sont basses, les bateaux ne passent que difficilement; de là jusqu'à son embouchure dans le lac d'Aral, rien ne gêne la navigation. Les Karakalpaks parcourent ce lac sur de petits bateaux, et y font la pêche : il renferme beaucoup d'îles; quelques-unes sont habitées. Tokmak-Ata est la plus grande; on dit qu'elle est située vis-à-vis des bouches de l'Amou, boisée, cultivée, longue de 30 verst, et que, quand les eaux sont basses, on peut y aller à cheval, parce qu'elle n'est éloignée du continent que de 20 verst, et que l'Aral est peu profond. Les Khiviens la visitent pour y faire leurs dévotions au tombeau d'un santon qui y est enterré.

:

Ce n'est qu'au-dessous de Koungrat que l'Amou déborde, et inonde principalement les terres situées à sa gauche c'est pourquoi on ne trouve que dans ce canton, et près du fleuve, des prairies naturelles ; plus haut elles manquent. La crue commence ordinairement le 1er octobre (1): alors les eaux, précédemment limpides, deviennent troubles; elles atteignent parfois à une hauteur de deux brasses et demie audessus de leur niveau ordinaire. Ordinairement elles sont au plus bas dans les premiers jours de juin, temps où l'on peut traverser le fleuve à cheval au

(1) Suivant d'autres versions, en avril ou au commencement de mai.

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