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senter de grandes difficultés. Les règles que donne M. Casalis sont simples et claires, et, sous ce rapport, son ouvrage sera d'une grande utilité aux missionnaires qui lui succéderont, ainsi qu'à ceux qui s'occupent de recherches linguistiques.

Ce volume est complété par un choix de poésies, d'énigmes et de contes qui donnent une idée assez avantageuse de l'esprit des Bechuanas, et les placent certainement au-dessus de la plupart des peuplades de l'Afrique. Presque toutes les poésies que M. Casalis a traduites sont des chants guerriers, dont l'auteur est en même temps le héros, et dans lesquels il raconte ses hauts faits et ceux de sa tribu. Quelques-unes pourraient même supporter la comparaison avec celles qui sont attribuées à Ossian. Mais il est bien fâcheux que le traducteur ne nous en ait pas donné les textes, qui se perdront probablement à mesure que les Bassoutos adopteront les coutumes des Européens.

Parmi les expressions proverbiales que cite notre auteur, quelques-unes sont très - remarquables; par exemple: il y a du sang dans la lie, pour dire que l'ivresse amène des querelles sanglantes; le dagga (plante narcotique dont l'effet ressemble à celui de l'opium) dit à l'homme : Si tu me manges, je te mangerai; le sang humain est pesant (rarement le meurtrier parvient à s'échapper); la lune des semailles est celle des maladies (les paresseux cherchent toujours un prétexte pour ne pas travailler ).

Nous terminerons cet article par une fable qui nous

a paru d'autant plus curieuse que le lièvre y joue à peu près le même rôle que le renard dans le roman du même nom, qui a fait, au moyen âge, les délices de presque toute l'Europe.

« Une femme eut envie de manger du foie de niamatsane; son mari lui dit : « Femme, tu es folle; la chair du niamatsane n'est pas bonne à manger, et puis cet animal est difficile à prendre; car d'un saut il franchit trois sommeils. » La femme insista, et son mari, craignant qu'elle ne devînt malade s'il ne la satisfaisait pas, partit pour la chasse. Il vit de loin une troupe de niamatsanes; le dos et les jambes de ces animaux étaient comme un charbon ardent; il les poursuivit pendant plusieurs jours, et réussit enfin à les surprendre endormis au soleil; il s'approche, jette sur eux un charme puissant, tue le plus beau, lui arrache le foie, et va porter ce morceau tant désiré à sa femme, qui le mange avec grand plaisir; mais bientôt après elle sent ses entrailles dévorées par un feu ardent : rien ne peut étancher sa soif; elle court au grand lac du désert, en épuise l'eau, et reste étendue à terre incapable de tout mouvement. Le lendemain, l'éléphant, roi des animaux, apprend que son lac était à sec ; il appelle le lièvre et lui dit : « Toi qui es un grand coureur, va voir qui a bu mon eau. » Le lièvre part avec la vitesse du vent, et revient bientôt dire au roi qu'une femme a bu son eau. Le roi assemble les animaux : le lion, la hyène, le léopard, le rhinocéros, le buffle, les antilopes, tous les animaux

grands et petits viennent au conseil; ils courent, ils sautent, ils gambadent autour de leur prince, et font trembler le désert; tous répètent ensemble: « On a bu l'eau du roi! On a bu l'eau du roi! » L'éléphant appelle la hyène et lui dit : «< Toi qui as de si bonnes dents, va percer l'estomac de cette femme. »>La hyène répond : « Non; tu sais que je n'ai pas l'habitude d'attaquer les gens en face. » Le roi appelle le lion et lui dit : « Toi qui as de si bonnes griffes, va déchirer l'estomac de cette femme. » Le lion répond: «Non; tu sais que je ne fais de mal qu'à ceux qui m'attaquent. » Les animaux se remettent à courir, à sauter et à gambader autour de leur prince; ils font trembler le désert; tous répètent ensemble: « Personne ne veut aller chercher l'eau du roi!» L'éléphant appelle l'autruche et lui dit : « Toi qui rues si violemment, va me chercher mon eau. » L'autruche part et arrive près de la femme ; elle tourne, penchée sur un côté, l'aile déployée au vent; elle tourne et fait voler la poussière; enfin elle approche de la femme et lui donne un coup de pied si violent, que l'eau rejaillit dans l'air et rentre à grands flots dans le lac. Tous les animaux se remettent à gambader autour de leur prince, en répétant : « L'eau du roi est retrouvée ! » Ils avaient déjà dormi trois fois sans boire. Le soir, ils se couchèrent auprès du lac, sans oser toucher à l'eau du roi. Cependant, le lièvre se leva dans la nuit et but; après quoi il prit de la vase et en salit les genoux et les lèvres de la gerboise qui dormait à son côté. Le

lendemain, les animaux s'aperçurent que l'eau avait diminué, et ils s'écrièrent : «Qui a bu l'eau du roi ? » Le lièvre dit : « Ne voyez-vous pas que c'est la gerboise? Ses genoux sont couverts de boue, parce qu'elle s'est courbée pour atteindre à l'eau, et elle a tant bu, que la vase du lac a souillé ses lèvres. » Tous les animaux se lèvent, gambadent autour de leur prince, et disent : « La gerboise mérite la mort ; elle a bu l'eau du roi!» Quelques jours après l'exécution de la gerboise, le lièvre, se croyant seul, se mit à chanter: «Petit lièvre, que tu es rusé! tu as fait mourir la gerboise! » On l'entendit, et on se mit à le poursuivre; mais il échappa et se tint caché. Au bout de quelque temps il alla trouver le lion et lui dit : « Ami, tu es maigre; les animaux te craignent, et tu ne réussis que rarement à en tuer. Fais alliance avec moi, et je te pourvoirai de gibier. » L'alliance fut conclue, et, d'après les directions du lièvre, le lion entoura un grand espace de terrain d'une forte palissade, et il creusa au centre de ce parc un trou assez profond. Cela fait, le lièvre plaça le lion dans le trou, et le couvrit de terre de façon à ne laisser paraître que ses dents; puis il alla crier dans le désert: « Animaux, animaux, venez, je vous montrerai un prodige, une mâchoire qui a poussé en terre. » Les animaux, trop crédules, arrivent de toutes parts; viennent d'abord les gnous, qui entrent dans le parc en pirouettant et en répétant en chœur : « O prodige! ô prodige! des dents ont germé en terre!» Viennent les couag

gas, race assez stupide, puis enfin les timides antilopes, qui se laissent entraîner. Cependant, le singe entre portant son petit sur le dos; il prend un bâton pointu, écarte légèrement la terre et dit : « Quel est ce mort? Enfant, tiens-toi bien sur mon dos; ce mort est encore redoutable. » Il grimpe, en parlant ainsi, au haut de la palissade, et s'évade au plus vite. Au même instant le lion sort de son trou, le lièvre ferme la porte du parc, et tous les animaux sont égorgés. L'amitié du lièvre et du lion ne dura pas longtemps; ce dernier se prévalut de sa force supérieure, et son petit allié résolut de se venger : << Mon père, dit-il au lion, nous sommes exposés à la pluie et à la grêle; construisons une hutte, » Le lion, trop paresseux pour travailler, se contenta de le laisser faire, et le rusé coureur lui prit la queue, et l'entrelaça si fortement dans les pieux et dans les roseaux de la hutte, qu'elle y demeura engagée pour toujours. Le lièvre eut alors le plaisir de voir son rival mourir de faim et de rage, puis il l'écorcha et se déguisa au moyen de sa peau. De tous côtés, les animaux tremblants lui apportèrent des présents; on se prosterna devant lui, on le combla d'honneurs. Le lièvre s'enorgueillit, et finit par oublier son déguisement; il se vanta de ses ruses: depuis ce temps il fut poursuivi, traqué de toutes parts, détesté, maudit de tous les quadrupèdes; dès qu'il se montre, on s'écrie : « Voilà le meurtrier de la gerboise, l'inventeur de la fosse aux dents, le serviteur cruel qui a fait périr son maître de faim ! » Pour jouir de quel

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