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que repos dans ses vieux jours, le malheureux exécré finit par se couper une oreille, et ce n'est qu'après cette douloureuse amputation qu'il put se hasarder à paraître parmi ses concitoyens sans crainte d'être reconnu. » T. C.

Voyage dans l'Amérique centrale, Chiapa et Guatemala par Stephens. (Deuxième article.)

Nous avons laissé M. Stephens embarqué à bord de la Mélanie, de Bordeaux, capitaine de Nouvelle, et voguant vers San-Salvador, à la recherche du gouvernement de l'Amérique centrale, qui fuyait devant lui comme un mirage. Il arriva heureusement au port d'Acajutla, et se rendit de là à Zonzonate, où, à son grand étonnement, il se rencontra nez à nez avec le gouvernement qu'il cherchait, dans la personne du seigneur de Diego Vigil, vice-président, et le seul fonctionnaire dont les pouvoirs ne fussent pas encore expirés; il était venu à Zonzonate pour racheter cette ville d'un chef de brigands, connu sous le nom de Chico-Rascon, moyennant un brevet de colonel et quatre mille piastres en papier; de sorte qu'il n'est pas bien sûr que le voleur ne soit en définitive devenu le volé.

En rencontrant ainsi à l'improviste le gouverne

ment de Guatemala, notre Talleyrand transatlantique pensa s'écrier comme le berger chasseur de lions :

O monarque des dieux ! je t'ai promis un veau,
Je te promets un bœuf si tu fais qu'il s'écarte.

Car il ne savait s'il devait ou non lui présenter ses lettres de créance. Il objecta d'abord le manque d'un ministre des affaires étrangères auquel il pût s'adresser, selon les usages de la diplomatie; mais le viceprésident se hâta de lever gracieusement cette première objection, en lui représentant que, quoique la ville fût à peu près déserte, on pourrait, en cherchant un peu, découvrir quelque traînard pour l'investir de cette dignité. Cependant, voyant l'embarras du diplomate, il n'insista pas, et l'engagea à attendre, pour se décider, que la convention qui allait s'assembler eût réglé définitivement les affaires.

Comme le renard de La Fontaine, M. Stephens ne connaissait qu'un tour, mais il était bon : un autre eût cherché cent moyens de se faire bien venir du gouvernement présent, sans se nuire auprès du gouvernement futur. M. Stephens alla faire une excursion au volcan d'Izalco : il était impossible de le gravir, parce qu'il était alors en pleine éruption; wais accompagné de M. Blackburn, négociant écossais, notre voyageur parvint au sommet d'une montagne voisine beaucoup plus élevée, et qui dominait entièrement le cratère de l'Izalco. Ce volcan n'a fait sa première éruption qu'en 1798, et depuis cette époque, il a vomi tant de cendres et de pierres, que sa hauteur

s'est accrue considérablement. Trouvant à son retour à Zonzonate que l'état des affaires n'avait pas changé, il s'embarqua sur la goëlette la Cosmopolita pour visiter la province de Costa-Rica, la plus méridionale de la république.

En naviguant le long de la côte, on aperçoit successivement les volcans de San-Salvador, San-Vicente, San-Miguel, Telega, Momotombo, Managua, Nindiri, Masaya et Nicaragua, et l'on arrive enfin dans la baie de Nicoya, où la goëlette jeta l'ancre dans le port de Caldera, qui passe pour un des plus malsains de la côte de l'Océan pacifique ; là, nouveau désappointement l'existence du gouvernement fut révélée par le capitaine du port. Celui-ci annonça qu'il n'était permis à personne de mettre pied à terre sans en avoir obtenu la permission. Cependant, en faisant sonner bien haut son titre d'envoyé extraordinaire, M. Stephens put débarquer, pour attendre à Caldera la réponse du gouvernement, auquel on allait envoyer un courrier.

Il obtint cependant le lendemain la permission de partir pour San-Jose, capitale de l'état. La route de cette ville traverse les rivières de Surubris et de RioGrande et passe ensuite auprès de la ferme de SanMateo, où elle commence à monter; près de là est une mine d'or exploitée par un Allemand, don Juan Bardh ou Hans Barth, au nom de l'Anglo-costarican-economical-mining-company, et à l'aide d'une machine d'après le Zillenthal-patent-self-acting-cold-amalgamation-process, mots beaucoup plus longs sans

doute que le chiffre des dividendes touchés par les actionnaires.

La montagne qu'il faut franchir s'élève à la hauteur de six mille pieds, et du sommet on jouit d'une vue magnifique s'étendant sur la baie de Nicoya et les campagnes voisines. Après une descente extrêmement rapide de plus de quinze cents pieds, on arrive à la Garita, espèce de poste avancé, où un officier demande les passe-ports, et après avoir fait une lieue de plus, on entre dans Alihuela, ville d'environ dix mille âmes, dont les maisons, bâties en briques séchées au soleil, sont presque toutes ornées d'horribles peintures à fresque; on trouve ensuite la petite ville d'Heredia, et l'on arrive enfin à San-Jose. Celle-ci est peut-être la seule qui ait fait des progrès depuis l'époque de la révolution : on y a transféré le siége du gouvernement, qui, du temps des Espagnols, était à Cartago, à six lieues plus à l'est.

M. Carrillo, président de l'état, fit à notre voyageur la meilleure réception possible. Deux ans auparavant, il avait chassé son prédécesseur Aguila; et, supprimant les élections, comme un rouage inutile dans une république, il avait nommé son beau-père vice-président, et gouvernait depuis cette époque. Dans son zèle républicain, M. Stephens le traite de despote et d'usurpateur, tout en avouant que, sous sa domination, le pays était tranquille et prospère. Mais comme ce n'était pas encore là le gouvernement qu'il lui fallait, il partit le lendemain pour Cartago, afin de monter sur le volcan qui domine cette ville.

Au retour de cette ascension, qui n'offre rien d'intéressant, M. Stephens résolut de retourner à Guatemala par la route de terre, et se dirigea d'abord vers Esparza. Pour se rendre de cette ville à celle de Nicaragua, il faut traverser une étendue de pays de plus de trois cents milles, dans lequel on ne rencontre que quelques fermes isolées, à l'exception de Guanacaste, petite ville située sur la frontière de l'état de Costa-Rica.

Notre voyageur se détourna un peu de sa route pour visiter le port de San-Juan, où doit aboutir le canal qu'on se propose de creuser à travers l'isthme, en passant par le lac de Nicaragua. Ce port est formé par une baie qui a à peu près la forme d'un U; il offre un excellent mouillage; son principal inconvénient, c'est qu'il serait très-difficile, pour ne pas dire impossible, d'y pénétrer par le vent du nord, qui, dans ces parages, souffle avec beaucoup de force et presque constamment, depuis le mois de novembre jusqu'au mois de mai. La rivière de San-Juan qui s'y jette, et dont M. Stephens suivit le cours, est assez profonde pour recevoir de grands vaisseaux. Du reste, ce projet dont on a parlé dans toute l'Europe n'excite presque aucun intérêt dans le pays,

et

il serait difficile de trouver dans la ville de Nicaragua, qui n'est qu'à quelques lieues de là, quelqu'un qui ait pris la peine d'aller visiter le port de SanJuan.

Nicaragua n'est qu'un amas de huttes, où notre voyageur ne fit que passer ; il se rendit de suite àGra

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