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DÉPOSITION

DU RAJAH DE SATTARAH.

Depuis le mois de février 1840, l'affaire du rajah de Sattarah a été souvent remise en discussion dans les assemblées de la Compagnie des Indes. Le sort du rajah nous montre bien la manière dont les princes indigènes sont traités par la Compagnie. C'est un tableau de mœurs que nous empruntons au Colonial Magazine, revue que l'on n'accusera pas de partialité, car elle a pour habitude de se faire en toute occasion l'apologiste du gouvernement britannique.

Dans le cours de ses conquêtes, en 1817, la Compagnie déclara la guerre au Peshwa Baji Row, dont Pounah était la capitale. Il avait été autrefois le ministre du rajah de Sattaralı, descendant du célèbre Sewaji, fondateur de l'empire des Marattes.

Baji Row s'était emparé de toute l'autorité et n'avait laissé à son maître que le vain titre de rajah. Un grand nombre de chefs gagnés par les Anglais,

l'abandonnèrent lors de la guerre de 1817, et la ville forte de Sattarah ne tarda pas à tomber au pouvoir des troupes de la Compagnie. Par une politique adroite M. Mount-Stuart Elphinstone, alors gouverneur de Bombay, replaça le rajah sur le trône de ses ancêtres, et lui rendit tout le territoire qu'ils avaient autrefois possédé et qui faisait partie des vastes conquêtes que l'on venait de faire sur Baji Row. Les chefs mêmes à qui l'on avait distribué certains jaghires pour prix de leur coopération demandèrent et obtinrent la permission de lui en faire hommage, et de les recevoir de lui à titre de fiefs. II fut aussi convenu que s'ils venaient à décéder sans héritiers mâles, leurs terres feraient retour au rajah.

Le rajah, placé sur le trône de ses ancêtres plutôt dans l'intérêt de l'Angleterre que dans le sien propre, signa un traité par lequel on lui accordait sur le territoire qui lui était remis, les droits de souveraineté les plus étendus; on lui promettait de le défendre contre tous ceux qui pourraient l'attaquer, et lui de son côté s'engageait à ne pas contracter d'alliance avec des puissances étrangères, et même à n'avoir aucun rapport avec elles. On nomma un résident britannique qui devait l'aider à gouverner ses États, et dont le rajah s'engagea à suivre les avis en toutes choses. Ceci était rendu nécessaire par la manière dont il avait passé sa jeunesse.

Baji Row s'était, à la vérité, entièrement emparé du pouvoir; mais il avait toujours traité le rajah, qui n'était alors qu'un enfant, comme son souverain,

Octobre 1841. TOME IV.

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et avait fait confirmer par lui toutes les nominations aux emplois et toutes les distributions de jaghires ou fiefs. Mais pour l'empêcher de jamais faire un usage personnel de son pouvoir, il avait défendu qu'on lui enseignât à lire et à écrire, instruction qui est pourtant le partage du plus pauvre des Hindous. Sa mère, femme d'un grand caractère et d'une rare énergie, fut donc obligée de profiter du silence de la nuit pour lui donner de secrètes leçons. Quand tout reposait dans le palais, elle appelait auprès d'elle ses deux fils, pour leur communiquer le peu de connaissances qu'elle possédait elle-même.

Malgré les défauts de sa première éducation, le rajah devint bientôt, pour me servir des termes d'une dépêche adressée à la Compagnie, le modèle des princes indiens. L'agriculture fit des progrès sur son territoire, il fit construire des routes et des aqueducs, fonda des écoles, rendit la justice, et ses États étaient à la fois paisibles et florissants.

Non contente de le combler d'éloges dans toutes les occasions qui se présentaient, la cour des directeurs de la Compagnie des Indes orientales résolut de lui envoyer une magnifique épée, ce qui est le plus grand honneur que l'on puisse faire à un prince mahratte, avec une lettre de félicitation des plus flatteuses. Cette lettre et cette épée ne lui furent jamais transmises par le gouvernement de Bombay, nous allons expliquer pourquoi.

Le gouvernement de Bombay n'avait pu s'empêcher de jeter un œil d'envie sur les beaux jaghires

qui avaient été assignés au rajah par Mr. Elphinstone, et que le capitaine Grant Duff avait administrés en son nom pendant les premières années de son règne. A mesure qu'ils devenaient vacants par la mort des jaghirdars, il en prenait possession et s'y maintenait par l'abus de la force, quoique les traités en eussent assuré la reversion au rajah.

Les généraux Robertson et Lodwick, qui se succédèrent dans le poste de résident à la cour de Sattarah, protestèrent contre cette série d'injustices : leurs réclamations et celles du rajah ne furent point écoutées. On resta des années entières sans leur répondre, et après les avoir longtemps bercés de l'espoir que leurs réclamations avaient été envoyées en Angleterre pour obtenir une décision, on finit par déclarer sèchement qu'on ne pouvait y faire droit. On insulta le rajah de toutes les manières, on mina son autorité dans ses propres États, et l'on fournit ouvertement des secours à quelques scélérats qui avaient tramé une conspiration contre lui.

Malheureusement pour ce prince, il était en querelle ouverte avec les brahmes non-seulement de ses États, mais de tout le pays des Mahrattes. Ils ne pouvaient lui pardonner d'avoir pour ainsi dire détrôné Baji Row qui appartenait à leur caste. Il s'occupait à faire instruire un certain nombre de jeunes gens choisis indistinctement dans toutes les castes pour ne plus être forcé de remplir tous les postes exclusivement par des brahmes. Quarante écoles et un excellent college à Sattarah, tous fondés par lui,

prouvent l'habileté de sa politique et la sincérité de ses efforts.

Les brahmes et tous ceux qui conspiraient la ruine du rajah trouvèrent le gouvernement de Bombay disposé à prêter l'oreille à toutes les calomnies qu'il leur plairait d'inventer. On contrefit des lettres et des sceaux, on suborna des témoins, on prétendit que sur les 200,000 hommes qui composent l'armée de la Compagnie, le rajah avait essayé de suborner deux officiers; qu'il avait envoyé au rajah de Nagpore, pauvre vagabond fugitif qui ne vivait que de la charité publique, une épée et une paire de souliers cachés dans une boîte à violon, et qu'il avait conclu un traité avec le viceroi de Goa, par lequel le roi de Portugal s'engageait à lui fournir un secours de trente mille hommes.

Le rajah prouva facilement que la tentative de séduction envers deux officiers de la Compagnie, dont on l'accusait, était une atroce calomnie, ainsi que ses rapports avec l'ex-rajah de Nagpore. Quand au traité avec le vice-roi de Goa, le fait a été hautement démenti par ce haut fonctionnaire actuellement de retour en Europe, et le ministère anglais n'a pas même pris la peine de demander à la cour de Lisbonne des explications sur un fait dont l'absurdité est la meilleure réfutation.

Ce fut en vain que le rajah demanda qu'on lui communiquât les accusations qui étaient portées contre lui, qu'on le confrontât avec ses dénonciateurs, qu'on lui permît d'assister à l'enquête que

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