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position un bateau à vapeur qui était sur le point de se rendre à Yzabal, port le plus rapproché de Guatemala.

Les premiers fondements de l'établissement de Balize furent jetés par un boucanier écossais nommé Wallace, qui, allié avec les Indiens Mosquitos et aidé par les aventuriers anglais qui venaient en contrebande couper du bois d'acajou, y brava pendant longtemps les forces de l'Espagne; depuis cette époque, la possession du territoire de Balize a toujours été contestée par l'Espagne, et le Guatemala qui a succédé à ses droits, le réclame encore aujourd'hui, Il renferme une population d'environ six mille âmes, dont les deux tiers sont des Nègres, qui étaient déjà presque tous libres avant l'émancipation générale des esclaves dans les colonies anglaises.

Après avoir pris quelques jours de repos, M. Stephens s'embarqua sur le bateau à vapeur qu'on avait mis à sa disposition; accoutumé à se soumettre d'une manière aveugle aux ordres souvent tyranniques des capitaines américains, il dépeint avec une naïveté trèsamusante son étonnement en voyant le commandanţ de celui-ci venir lui demander le chapeau à la main où il lui plairait de s'arrêter. « Puisqu'on rend de pareils honneurs aux hommes en place, s'écrie-t-il, je ne m'étonne plus que l'on fasse tant d'efforts pour s'en faire donner. »

Le bateau à vapeur suivait la côte et s'arrêta d'abord à un village habité par des Caraïbes et situé à environ cent cinquante milles de Balize. Un moine

qui se trouvait à bord profita de l'occasion pour baptiser une quantité d'enfants que les Indiennes s'empressaient de lui apporter ; il aurait bien voulu en même temps marier aussi les parents, mais comme presque tous les hommes étaient à la pêche, il fallut remettre cette solennité à un autre jour. Cette cérémonie fut la seule qui interrompit la monotonie de la navigation jusqu'à Izabal.

Toutes les maisons de cette ville, si l'on peut dire qu'Izabal en soit une, sont, à l'exception d'une seule, bâties avec des roseaux et de la boue. Une goëlette de quarante tonneaux peuplait seule la solitude du port; etle directeur de la douane remplissait aussi les fonctions de barbier. A la porte du commandant, un enfant de quatorze ans, pieds nus et coiffé d'un chapeau de paille sans fond, jouait gravement le rôle de sentinelle; mais le commandant lui-même, M. Peñol, était heureusement un homme assez civilisé, que les révolutions sans cesse renouvelées de sa patrie, avaient exilé pendant plusieurs années aux États-Unis, et qui en avait profité pour son instruction. Il mit notre voyageur au fait de l'état politique du pays, qui n'était rien moins que rassurant pour un diplomate chargé de négocier un traité.

Les principaux partis qui déchiraient alors le Guatemala étaient celui de Morazan, ancien président de la république, à San-Salvador, celui de Ferrera dans le Honduras et de Carrera à Guatemala. Ce dernier était un Indien et Ferrera un mulâtre, et, quoique n'appartenant pas au même parti, ils

étaient réunis par une haine commune contre Morazan. Celui-ci venait de livrer bataille à Ferrera près de San Salvador et l'avait mis en déroute, mais une blessure grave l'avait empêché de poursuivre sa victoire. M. Peñol s'empressa d'offrir à M. Stephens un passe-port pour la capitale, mais il le prévint qu'il ne serait pas respecté par Morazan.

M. Stephens, se confiant en son caractère diplomatique, résolut de tenter l'aventure, et commença ses préparatifs pour traverser la montagne de Mico, ou, comme on l'appelle emphatiquement dans le pays, la Montaña. Il faut avoir parcouru soi-même l'Amérique espagnole pour se faire une idée des horreurs qui sont comprises dans ce seul mot des côtes tellement à pic, que les mules trouvent à peine une place pour poser le pied; des bourbiers où elles enfoncent jusqu'aux sangles, quand elles n'y disparaissent pas tout entières; des buissons hérissés d'épines où l'on ne peut se frayer un passage que la hache à la main; des torrents qu'il faut traverser à la nage; des nuits passées en plein air; des pluies qui vous trempent jusqu'aux os, sans qu'il soit possible d'allumer du feu, parce que le bois que l'on trouve est trop mouillé ; le risque de mourir de faim, s'il arrive quelque accident à la mule qui porte les provisions, parce que l'on est souvent plusieurs jours sans rencontrer une habitation; des brigands ou des Indiens sauvages, des tigres, des serpents et des moustiques, moins dangereux, il est vrai, mais inévitables: voilà ce que c'est qu'une montaña,

Nos voyageurs furent pourtant assez heureux pour arriver à Gualan sans accident grave: cette ville, située au confluent de deux belles rivières, renferme environ dix mille habitants, presque tous métis; mais, dès leur arrivée, il fallut faire connaissance avec un nouvel agrément du pays. Quand les colonies espagnoles étaient florissantes et tranquilles, il n'y avait pas d'auberges, car chacun se faisait un devoir et un plaisir d'offrir l'hospitalité aux voyageurs; or, comme tout s'y trouve actuellement dans une époque de transition, l'hospitalité est déjà partie, mais les auberges ne sont pas encore arrivées. Il faut donc, ses lettres de recommandation à la main, quand on est assez heureux pour en avoir, aller de porte en porte pour tâcher de trouver quelqu'un qui veuille bien vous recevoir. A peine M. Stephens se fut-il procuré un coin pour suspendre son hamac, que le muletier, qui l'avait amené, vint réclamer son payement, et l'accablant d'injures et de menaces, parce qu'il refusait de lui donner une piastre au delà du prix convenu, il le traîna devant l'alcalde. M. Stephens jugea prudemment qu'au lieu d'en appeler à son caractère diplomatique qui ne serait pas compris, il valait mieux offrir à l'alcalde de l'eaude-vie et des cigares en effet, le Salomon de Gualan s'empressa de donner raison à celui qui pouvait appuyer son droit de pareilles preuves, et renvoya honteusement le muletier.

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Des aventures de ce genre se reproduisent presque à chaque page dans la relation de M. Stephens;

mais, quoiqu'il les raconte avec assez de verve et d'esprit, je les laisserai désormais de côté pour m'occuper d'objets plus intéressants. J'ai cru cependant devoir en dire quelques mots, pour donner à mes lecteurs une idée des vexations auxquelles sont journellement exposés les voyageurs qui traversent l'Amérique ci-devant espagnole; on trouvera même peut-être que je me suis trop étendu sur ce sujet, mais « J'ai connu le malheur, et j'y sais compatir.

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En quittant Gualan pour se rendre à Zacapa, on suit la rive gauche de la rivière de Matagua, derrière laquelle on aperçoit dans le lointain la chaîne des montagnes de la Vera-Paz qui s'élèvent à plus de huit mille pieds de hauteur. La route que l'on suit monte pendant plusieurs heures jusqu'au village de San Pablo, situé au sommet du plateau, et où l'on commence à redescendre, pour se rendre à Zacapa, qui est bâtie au centre d'une belle plaine couverte de la plus riche végétation. Pendant son séjour dans cet endroit, ce que M. Stephens apprit des ruines qui existaient auprès de Copan le décida à faire un détour pour les visiter, au lieu de se rendre directement à Guatemala. Il se dirigea donc d'abord vers Chiquimula, capitale du département du même nom, alors commandé par le général Cascara, Italien, qui avait servi dans l'armée française pendant les guerres de l'Empire. Celui-ci, qui crut voir dans sa demande de passe-port pour Copan l'intention de se rendre à San Salvador pour y présenter ses lettres de créance au gouvernement fédéral, n'osa le lui

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