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ou vassaux, les vorks ou nobles, et enfin les pches ou princes. Mais, par l'effet des guerres continuelles, ces distinctions tendent à s'effacer, car on a senti qu'il fallait confier le commandement non au plus noble, mais au plus brave et au plus habile. A cette cause, il faut encore joindre l'influence du Koran et des mœurs turques qui établissent entre tous les hommes une égalité absolue, ainsi que le commerce par lequel des gens d'une basse condition, et qui même avaient été esclaves, ont acquis une richesse supérieure à celle de la plupart des princes.

Les langues que l'on parle en Circassie sont au nombre de trois : la première ou l'adighe est parlée depuis l'extrémité orientale de la Cabarda jusqu'à la mer Noire, y compris l'Abzack; je dirai en passant que c'est là le nom que se donnent les indigènes, et qu'ils ne comprennent pas même, celui de tcherkes, dont nous avons fait circassien, et qui est d'origine turque ou tartare. Le long de la côte, la Ba sépare les régions où l'on parle l'adighe et celles où l'on se sert de l'abaza Plus loin, l'Habish sépare ce dernier pays de celui où l'azra est l'idiome général. La différence entre ces trois dialectes est telle que ceux qui n'en connaissent qu'un sont complétement hors d'état de comprendre les deux autres. Autrefois les habitants des deux rives de l'Habisch étaient presqu'en hostilité ouverte; mais le danger commun les a réconciliés, et les deux races sont toujours prêtes à réunir leurs efforts pour s'opposer aux invasions de l'ennemi.

En général M. Bell est assez peu descriptif et serait même souvent obscur sans les excellentes notes que M.Vivien a jointes à sa traduction. M. Bell a parcouru le pays dans tous les sens pour l'exciter, par des promesses de secours, à continuer la guerre. Quelques chefs eurent cependant le bon esprit de démêler ce que ces promesses avaient de trompeur, et insistèrent pour traiter avec le gouvernement russe qui leur faisait d'honorables propositions; et qui, pour mettre fin à une guerre qui lui coûte beaucoup d'hommes et d'argent, se contenterait probablement d'une souveraineté purement nominale, si les Circassiens voulaient bien cesser d'infester les routes. M. Bell n'hésite pas à qualifier de traîtres les chefs qui inclinaient pour ce parti, et il ne négligea aucun moyen pour les perdre dans l'esprit de leurs compatriotes. Le récit de toutes ces intrigues occupe une grande partie de son livre, et il est vraiment amusant de lui entendre parler de la fourberie des Russes, quand il jouait lui-même le rôle le plus équivoque; car, de deux choses l'une, ou il était véritablement l'agent du gouvernement anglais, et alors il excitait la révolte chez un allié et trompait les ignorants Circassiens par de mensongères espérances d'intervention, ou, ce qui est plus vraisemblable, il s'était créé lui-même plénipotentiaire, et tout ce qu'il disait à ceux dont il usurpait la confiance n'était qu'un tissu d'insignes faussetés. Qu'on nous pardonne de revenir sur cette réflexion; mais il n'y a pas une page de cet ouvrage qui ne nous l'ait in

spirée : elle en a rendu la lecture pénible pour nous malgré les détails intéressants qu'il renferme. Quel intérêt peut-on prendre aux cérémonies joyeuses ou funèbres d'une nation qu'on voit lâchement poussée vers sa destruction, et qui, au moment où nous écrivons, en est réduite à pleurer son aveugle confiance dans les promesses d'un homme s'amusant froidement à faire un livre sur les mœurs d'un peuple qui, par sa faute, aura bientôt cessé d'exister?

T.-C.

Voyage sur la côte orientale de la mer Rouge, dans le pays d'Adel et le royaume de Choa, par C.

E. X. Rochet d'Héricourt. Paris, 1 vol. gr. in-8° avec carte et figures. Chez Arthus Bertrand, rue Hautefeuille, n. 23.

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Une partie des pays visités par M. Rochet est peu fréquentée par les Européens. Deux voyageurs français sont allés dans le Choa en 1836 et ont publié une relation de cette contrée : nous en avons rendu compte dans le temps (1). Ils étaient venus dans le Choa en traversant l'Abyssinie, et après l'avoir quitté ils y passèrent de nouveau. M. Rochet, au contraire, a fait le trajet par mer de la côte d'Arabie à Rahiéta, sur la côte occidentale d'Afrique c'est un village composé d'à peu près 180 chaumières habitées par

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(1) Nouvelles Annales des Voyages, tom. XIX, p. 293 (troisième série).

environ 400 Danakiles; la plupart appartiennent à la tribu ou kabile Ad-hali, dont le nom, légèrement modifié a été appliqué au royaume d'Adel.

Toujourra, où M. Rochet débarqua, est un autre village peuplé de 600 Bédouins de la même tribu que les habitans de Rahiéta, tous musulmans trèsorthodoxes; il semble que l'âpreté et la chaleur dévorante de la plage environnante exaltent le sentiment religieux de ces sectateurs de Mahomet. Le commerce les fixe sur ce sol ingrat : ils sont les intermédiaires de celui qui se fait entre l'Abyssinie méridionale et l'Arabie.

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Toujourra, Rahiéta et Gargouri, autre village, sont la résidence de trois sultans qui se partagent la suzeraineté nominale du royaume d'Adel. Ils sont indépendants les uns des autres, et d'ailleurs n'ont guère d'influence hors des hameaux où ils vivent. «En effet, dit M. Rochet, la contrée improprement appelée royaume d'Adel, puisqu'elle n'est pas sou» mise à un pouvoir monarchique, est occupée par >> diverses tribus qui se régissent chacune à sa guise, >> sans reconnaître d'autorité supérieure à celle de » leurs ras, tel est le nom qu'elles donnent à leurs » chefs; la forme de leur gouvernement est trèssimple, et rappelle les temps primitifs : rien ne » s'y fait sans que tous les membres de la tribu aient » été appelés à délibérer, et que la majorité ait rendu >> sa décision. Les ras ne sont soumis en aucune >> manière aux sultans; ils ne se reconnaissent nulle>>ment leurs vassaux. »

>>

Il faut donc que le voyageur qui traverse le pays gagne par des cadeaux les sultans et les ras. En vrais Bédouins, ces chefs ont des prétentions excessives; mais, à force de marchander, on réussit à les réduire beaucoup. Quelques-unes de ces tribus entendent assez facilement raison; d'autres au contraire féroces, turbulentes et voleuses, ne contiennent leurs penchants au brigandage que lorsqu'une force imposante les contraint à rester tranquilles. Très heureusement ces farouches enfants du désert ne sont pas pourvus d'armes à feu. Tous sont d'une sobriété qui semble extraordinaire; cette habitude n'est pas chez eux une vertu, elle résulte des privations auxquelles la nature du pays où ils vivent les contraint sans cesse. Leurs richesses consistent en troupeaux. Ils sont obligés de s'éparpiller sur de vastes espaces pour faire subsister les animaux qu'ils conduisent à la pâture; se les enlever par des coups de main inattendus est l'unique pensée qui occupe les tribus ennemies les unes des autres. Les récits des premiers temps de l'histoire du peuple hébreu montrent des exemples de l'existence des Bédouins tels qu'on les voit aujourd'hui en Arabie et dans les campagnes de l'Abyssinie méridionale. La richesse de plusieurs ras est très-considérable par le grand nombre de troupeaux qu'ils possèdent. Quelquefois le succès inopiné d'un ras ennemi diminue la fortune de celui qui la veille s'enorgueillisait de la multitude du bétail que ses pasteurs gardaient.

M. Rochet parcourut sans accident les 129 lieues

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